南京 - La capitale du Sud - Voyage à Nankin

Publié le 1 Juin 2010

 

Nanjing, appelée Nankin par les Français, ancienne résidence impériale, capitale déchue, ville violée par les Japonais en 1937, aujourd'hui bourgade de province,capitale du Jiangsu, à deux-cent-cinquante kilomètres de Shanghai; bourgade de six millions d'habitants tout de même.

 

Le deuxième caractère du nom de Nanjing, 京, "jing", signifie: capitale. C'est le même que dans Beijing, le nom Chinois de Pékin. 南, "nan", signifie Sud, tandis que "bei" signifie Nord. Autrement dit, Nanjing est "la capitale du Sud", et Beijing "la capitale du Nord". Ne nous y trompons pas, le pouvoir Chinois est bien centralisé à Pékin, et la Chine n'a qu'une seule capitale. Cependant toute l'histoire de la Chine est tissée de rivalités, depuis des millénaires, entre les villes dont les différentes dynasties ont fait leurs résidences: Xi'an, Nanjing, Pékin. Les villes changent d'ailleurs de nom en fonction de leur statut. Pékin était Peiping, Xi'an, "la paix de l'Ouest", était originellement Chang'an, "la paix éternelle".

 

Nanjing est sur la route de Xi'an: la ligne de train qui relie Shanghai à Xi'an, en vingt et une heure de voyage, fait halte à Nanjing. J'y ferai donc halte aussi, pour un ou deux jours. Ancienne capitale, cette ville possède sans doute quelque intérêt, me dis-je.

 

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Lundi 18 juin, de Shanghai à Nanjing.

 

Il pleut. Comme les pâquerettes sous la première pluie de printemps, ce sont ici les vendeurs de paraluie qui fleurissent sur l'asphalte incertain de la ville. Huit heure du matin. Il fait lourd déjà, et la pluie elle-même est chaude, presque douce. Quelques pas me suffisent pour traverser la rue et entrer dans le métro, ma chemise est à peine mouchetée par les gouttes.

Mon sac à dos, qui contient quatre chemises, un pantalon de lin, deux short et un pull-over dont je ne me servirai probablement pas, passe pour la première fois de la journée le scanner de la sécurité. On ne m'enlève pas mon coupe-ongle, ma brosse à dent ne semble pas suspecte: je peux entrer dans le métro.

 

La gare est un immense bâtiment où une vingtaine de grandes salles d'attente tout en longueur au dessus des voies accueillent des voyageurs de toute la Chine. Des familles entières sont assises sur des paquets improbables, en transit. On croise toutes sortes de visages, souvent burinés: les traits plus ou moins ovales, les joues plus ou moins rondes trahissent des origines plus occidentales, vers la Mongolie, le Xinjiang. Les gares des grandes villes de Chine sont toutes pleines de cette foule immense de voyageurs qui ne ressemblent en rien à des vacanciers. Ils semblent transporter avec eux tout ce qu'il possèdent, et Dieu sait où ils vont, ce qui les pousse à émigrer. Une chose est sûre: la moitié des Chinois vivent aujourd'hui en ville, et un sur cinq vit dans une ville de plus d'un million d'habitants. L'aspirateur urbain qui vide les campagnes continue de fonctionner. En tout cas, quasiment pas de blancs. Il faut dire que les lignes aériennes intérieures sont relativement bon marché, et tellement plus rapides...

 

Les passagers du train D5410 se massent dans les salles d'attente numéro cinq et six. De nouveau, toutes sortes de visages (Chinois). Environ trois cent personnes. Les chanceux on trouvé place sur les longues files de sièges en plastique fixés au sol. Un hôtesse, mignonne, avec sont calot et son sourire.Une vendeuse de journaux, et les éternels balayeurs: trainant leur petite boîte métallique à roulette ils ont la lourde tâche de ramasser les monceaux de déchets, papiers, mégots, bouteilles, emballages, épluchures et autres que les Chinois sèment partout, à longueur de journée. Dans les boîtes de nuit, dans les rues, dans les trains, on retrouve partout les mêmes petites silhouettes courbées et nonchalantes, armées de médiocres balais et de leur boîte en fer.

 

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En attendant l'heure de l'embarquement, on lit le journal, on dévisage son voisin d'en face, on joue sur son téléphone.

Dans quelques minutes les barrières que l'on voit au fond de la salle seront ouvertes en un unique endroit: la foule a priori paisible se transformera instantanément en une mêlée informe écrasée contre le portillon, forêt de mains tendant leurs billet au contrôleur. Il n'y a pourtant pas d'urgence, les places sont numérotés et réservées, mais c'est ainsi, en Chine, entrer dans le métro, acheter le journal ou demander un renseignement est l'occasion d'une féroce compétition.

 

 

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Départ à l'heure précise, 8h52. Il pleut toujours. Le train, électrique, propre, large et plein, accélère facilement. Dans mon wagon, un moine en robe orange, crâne rasé, sans doute bouddhiste. Mon vis-à-vis est une petite mamie coquette: elle porte trois bracelets dont en jade vert pâle, et une jolie montre. Derrière ses lunettes dorées, de petits yeux malicieux. Depuis qu'elle s'est installée, elle ne cesse de grignoter, et émet régulièrement de petits rots sonores.

 

Autres bruits: un groupe de mémères piaillent bruyament à côté; mon voisin regarde un film sur son IPhone sans écouteurs, et chaque wagon est équipé d'un écran plat qui diffuse le programme de la compagnie ferroviaire nationale: nouvelles, reportages, et bien sûr: propagande et publicité où l'on voit des trains effilés traverser de verdoyantes contrées...

 

Après une quinzaine de minutes, nous sortons de la ville. Plus ou moins. Le paysage "s'éclaircit", quoi que la brume empêche de voir bien loin. L'eau est omniprésente, on croise sans cesse de petits fossés humides, des canaux, et des flaques plus ou moins permanentes. Proche de la mer, la région est humide.

Apparaissent des petits groupement de maisons, par deux ou trois, toutes très semblables, hautes d'un étage et coiffées d'un toit bleu ou rouge. Toutes simples, elles se partagent les petites parcelles cultivées qui occupent tout l'espace disponible. Régulièrement, une usine, une autoroute, quelques barres d'immeubles gris. Ainsi on n'a jamais l'impression de sortir de la ville, les diverses constructions se succèdent en continu, usine après autouroute, chéminée, pont, tunnel, usine de nouveau, ligne électrique, quelques maisons, et quelques parcelles dans une impression de chantier perpétuel.

 

Nous croisons aussi de temps en temps ces gigantesques passerelles de bétons: jetées dans l'espace sur des kilomètres, hautes et fières sur leurs piles qui s'alignent dans la brume, irréelles, elles ignorent totalement l'espace inculte qu'elle enjambent; rien ne saurait perturber leurs parfaites lignes droites sur lesquelles, quinze mètres au dessus du sol, circuleront demain les nouveaux trains super-rapides de la Chine pressée.

 

Un mot sur le programme de la télé du wagon: les images de trains pilotés par de beaux Chinois à casquettes rouges et dorées et gants blancs, filant dans des paysages parfaits entre collines rondelettes et tournesols, alternent avec une sorte de spectacle de chant et de danse interprété par les employés de la compagnie ferroviaire: notamment, une chorégraphie enlevée, interprétée par une centaine de chefs de gare en habit, une colonne d'hôtesses en marche, sourire rivé aux lèvres sous leur petit calot bicolore (impressionnant!), et trois-mille conducteurs de train tournant sur eux-même en chantant!

 

On voit aussi une scène ou une ethnie minoritaire en habit traditionnel accueille Haibo, la mascotte bleue de l'exposition universelle, avec de grands sourires, dans une sorte de verger magique où le soleil ne cesse sans doute jamais de briller. Même la plus extrême publicité pour les yaourt qui vous sauvent la vie et vous rendent heureux n'atteint pas ce niveau d'enthousiasme et de naïveté. Les visages se plissent de sourires échangés, le stupide bonhomme bleu en forme de préservatif (d'après les Shanghaiens eux-mêmes) oscille lentement de droite à gauche comme une algue.

 

A l'approche de Nanjing: de petites collines. Partout des chantiers. Le sol semble meuble, d'une terre rouge-orange qui semble facile à déplacer. Le paysage est taillé à coups de buldozers. Le sol est un matériau comme un autre que l'homme déplace, modèle, transforme: rien ne semble impossible. De nouveau les petits maisons au milieu des parcelles cultivées et bordées d'arvres touffus dispurent le terrain aux échaffaudage de bambous desquels émergeront bientôt de nouveaux HLM.

 

Le bord des routes ou de la voie est souvent un simple terre-plein repoussé là et grignoté par les herbes folles et des arbustes. De temps en temps un tas de caillous, ou de déchets. Là où elle en a la place la nature est luxuriante. Nombreuses essences d'arbres aux feuilles bien vertes, dans cette humidité brumeuse tout est dégoulinant. Les lauriers sont en fleurs. Au pied d'un mut blanc rehaussé de fil barbelé leurs fleurs roses et jaunes éclatent joyeusement.

 

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Après trois heures de train, arrivée à la gare de Nanjing.

 

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En face de la gare, le lac. Beaucoup de voyageurs en transit ou de personnes désoeuvéres viennent chercher un peu de fraîcheur au bord des eaux calmes.

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De l'autre côté du lac les tours de la ville moderne se dressent entre les hautes murailles de la période Ming, imposant vestige de l'histoire de Nankin. Curieux mélange.Nankin 0749

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En m'éloignant de la gare à pied, je décide de longer la rive Ouest du lac: ainsi devrais-je rencontrer le célèbre mur de Nankin. En effet, la gare est au Nord de la ville, tandis que l'ancienne cité était située au Sud et à l'Ouest du lac, et que la rive Est est occupée par une haute colline sur les flancs de laquelle se trouve le mausolée d'un empereur, le mausolée du docteur Sun Yat-Sen (cf le portait ci contre), premier président de la République de Chine, et plusieurs petits temples.

 

 

 

 

 

 

Après de longues minutes de marche sous un ciel pesant je constate ma faible avancée sur la carte. Comme toujours en Chine, la ville est immense, bien plus que la carte ne le laisserait supposer. Après une heure cependant, j'aperçois le premier morceau du fameux mur: quelques crénaux émergent des ramures d'un petit parc.

 

Evidemment, aujourd'hui la ville excède largement la taille des murailles d'origine. La porte que j'ai trouvée ici se trouve dans un parc, entre le lac et une vaste zone résidentielle. Elle a été récemment restaurée, et l'accès à une partie de la muraille est permis aux visiteurs. Ce mur est considéré comme la plus grande muraille du monde encerclant une vile. La construction remonte aux débuts de la dynastie Ming, soit au XIVe siècle.

 

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Voici donc la muraille des Ming. Entre les pierres sèches résonnent les cris des corbeaux, remplaçant un instant, le tumulte de la ville aux larges avenues.

 

Trace d'une histoire plus récente, je découvre le détail suivant dans le tunnel qui perce la muraille et donc on voit la porte sur la photo ci-dessus:

 

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L'étoile rouge au dessus de la porte est marquée des signes Chinois signifiant huit et un, soit le premier Août, la date de la fondation de "l'Armée de Libération du Peuple" en 1937, jour de la première bataille de la guerre civile opposant le parti communiste au Kuomintang, parti politique nationaliste fondé par le docteur Sun Yat-Sen. Ce mur, bâti pour protéger la ville des empereurs, a probablement servi d'abri ou d'entreprôt pour l'armée communiste.

 

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La gare. Dans un immense hall bruyant de mille candidats au voyage trente guichets assaillis de trente files, à peine respectées. Rien n'est traduit. Peu importe, nous parlons la langue. Euh! Comme dans toutes les gares du monde des individus louches trainent leurs guêtres visiblement inoccupées, lançant des cris comme des regards. Dans les cinq premières minutes personne ne prend la file derrière moi. Aurai-je fait une erreur? Mon dos porte-t-il une inscription maléfique? Mon odeur? Quelle inquiétude, cinq minutes, seul au milieu du monde, qui plus est du monde en Chinois, c'est long! D'autant Que les autres files, elles, continuent de s'allonger! Courageusement je ne détale pas, mais il m'en coûe.Finalement on accepte de me suivre. Je ne suis qu'un étranger après tout, pardonnez moi!
Passée cette émotion, qui aura au moins dilué l'attente, j'approche pas à pas du guichet, redoutant la confrontation. Un des bizzares est accoudés au mien, forcément, ventripotent, braillard et forcément malentiotnné. Qu'as-tu, bonhomme! À te mêler des affaires ferroviaires de chacun?
Finalement, quand c'est mon tour la cohue se calme, un silence - relatif - se fait. Inattendu! Apprécié! Je donne ma petite réplique, et approuve sans fin ayant fini là mon Chinois.
Je veux partir demain pour Xi'an par le train de nuit. Malheureusement, il n'y plus de couchettes. Mais je ne le sais pas encore. Heureusement, la dame de derrière me vient en aide. Souvent on peut dire avec raison que parmi tous, les femmes étaient les pires. Souvent aussi ce sont elles les meilleures. L'homme reste englué dans sa pâte médiocre, sauf exception. Bref. Elle me sauve la vie: j'accepte. Je serai assis pendant quatorze heures et le train ne part même pas a la bonne heure, mais je ne peux m'empecher d'être heureux.

J'accepte quoi, au fait? Un siège dur pour quinze heures de nuit dans un train qui part trop tôt! Moi qui me croyais sauvé, l'exécution n'est que reportée à demain! Avec circonstances aggravantes! Mais j'ai un siège, c'est bien là l'essentiel, après-demain si Dieu le veut je serai à Xi'an, et pour ce soir je n'ai plus qu'à profiter de la douceur de l'air de Nankin.

Rédigé par FangShuo

Publié dans #Voyages, #Chine, #Villes

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J
même si je n 'ai moi-même pas encore tout lu, je suis stupéfait de voir que peu de personnes semblent avoir lu et surtout écrit un commentaire, car tes écrits et photos sont pour moi une mine de<br /> récits et d'idées. et qu 'on ne dise pas que je ne suis pas objectif par ce que tu es mon fils. Objectivement oui tu es mon fils, mais subjectivement tu es plus que notre fils, tu es toi.<br /> quand on trouve une mine exploitable par tout le monde on donne son adresse. surtout une mine avec laquelle on peut causer. est ce que les gens d ' aujourd'hui sont fatigués, blazés de bonnes<br /> choses? J' aurais plutôt tendance à penser qu 'ils sont trop envahis par les choses sans goût (comme le devient aussi notre nourriture occidentale) et aseptisées; ça ne les intéresse plus. Quel<br /> dommage et pourtant tant mieux : comme partager de grands espaces vides en Auvergne avec Cécile ou Anne ou vous tous il vaut mieux que ce public qui manque laisse tes écrits et ces espaces libres<br /> pour c eux qui savent les goûter, et restent devant leur TV !
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J
c'est bien agréable : on a l' impression de voyager avec toi
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