Quiconque a mis les pieds (fussent-ils gelés) à Ulan-Bator connait la silhouette de ces quelques cheminées dressées contre le froid écrasant de la plaine mongole, juste contre la ville.

J'y suis venu par le train. Mais pour ceux qui volent le spectable est le même. A huit kilomètres au-dessus de la ville, le voyageur ensommeillé, à mi-chemin entre Moscou et Pékin, ou Séoul et Paris, s'il jette un coup d'oeil par son hublot, peut encore les apercevoir. Sa vue ne sera pas gênée par des nuages : la plaine sèche n'est jamais couverte du doux cotons des nuées molles. Rien d'autre que ces deux panaches industriels. Bienvenue dans une des villes les plus polluées du monde (au classement officiel).

Oulan-Bator, un matin de février 2011

Il fait si froid que la vapeur d'eau que j'expire se fixe et gèle instantanément sur les poils de ma barbe. Demain, je me raserai. Grâce aux épaisses couches de vêtements, je ne ressens pas la morsure du froid. Ce n'est qu'une grande fatigue qui s'évapore soudain quand on pénètre dans un des petits appartements surchauffés de la ville.

Sur le sol gelé du marché noir cependant, mes pieds commencent à souffrir. Malgré mes bottes doublées de fourrure, une drôle de sensation s'intensifie rapidement dans mes orteils figés. Je tente tant bien que mal de les remuer, me contorsionne ridiculement pour faire circuler un peu de sang dans ces pauvres extrémités. Heureusement nous ne restons pas trop longtemps et ressautons bientôt en sens inverse le mur qui entoure ce marché noir bondé de monde. Nos emplettes : des sous vêtements de coton épais à revêtir, en plus du reste, demain, lorsque nous sortirons de la ville.

Les soviets ont probablement rallié ce pays à leur cause par l'installation massive du chauffage central. Que peuvent les chars de la liberté contre le chauffage central ?