北京 - La Capitale du Nord - L'arrivée

Publié le 1 Avril 2010

 

北京

 

Mars 2010

Lumière du matin, rasante. L'heure n'est plus qu'une information théorique, la Terre tourne autour du soleil, nous tournons autour de la terre, le soleil tourne autour de nous et nous volons à sa rencontre, vers l'Orient magique où il se lève. Une heure du matin à Paris; huit heure à Pékin;  nous sommes quelques part entre les deux. Les fuseaux horaires semblent se croiser dans l'immensité céleste, le monde est une carte aux formes arrondies, nous ne sommes plus qu'un point, un trait, une ligne, et l'heure une paire de chiffre sur le cadran compliqué d'une montre de pilote.


Depuis le cockpit nous découvrons l’immense plaine mongole, déserte et sèche. Ce désert où affleurent quelques montagnes se peuple peu a peu. Quelques fermes, de grands traits droits qui doivent être des routes, des usines, puis des quartiers d'usines et la ville.

 

 


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Nous sommes posés. Le long de la piste, séparées du terrain par une double barrière barbelée s’alignent des maisons d'un étage. L’une d’entre elle supporte une sorte de lanterne où se tient une femme en uniforme, immobile, sentinelle scrutatrice tournée vers la piste. Que surveille-t-elle ? Tous les aéroports du monde sont protégés, mais ces barbelés surveillés qui séparent fermement la ville de la zone où l’on s’envole évoquent un je-ne-sais quoi de plus sévère, de plus martial. Je songe à ces vieilles photos du mur de Berlin: corridor barbelé, gardes en uniformes, bergers allemands, projecteurs malveillants. Dans ce pays, certains n’ont pas le droit d’entrer; ou de sortir.

Pendant que nous roulons vers notre parking, trois policiers en gabardine-casquette-vélo sur le tarmac. Ils roulent à la queue-leu-leu, luttent contre le vent, sur le bord d’un taxiway.

 

A l'avant du géant d'acier à peine fatigué par dix heures de vol dans l'air raréfié des altitudes, bercés par le bruissement des instruments, nous avançons lentement vers notre parking en écoutant les ordres brefs que la radio grésille régulièrement. Comme il lent soudain, et comme il est fragile, maladroit, notre encombrant appareil: ses mouvements sont lents, empesés. C'est l'albatros baudelairien sur les terrestres planches. L'asphalte des pistes et des parking tient lieu de pont.



 

Nous voici à Pékin, La capitale du Nord, le 27 mars 2010.

Comment décrire ce qu'il y a de remarquable dans notre chambre d'hôtel? Nous ne sommes pas accoutumés, nous autres Français, à la verticalité. Nos maisons sont basses. Le ciel de Paris n'est gratté que par Montparnasse, celui de Lyon: pointé par le Crayon. Seuls les quartiers d'affaires ont quelques tours. Ici, tout est haut (sauf peut-être les Chinois) Et pourtant ce ne sera encore rien par rapport à Shanghai. De très larges avenues rectilignes et perpendiculaires sont bordées d'immeubles aux façades souvent lisses, imposants et massifs, où l'on trouve hôtels, bureaux, salons de massages, restaurants.


Notre chambre est au vingt-quatrième étage d'un de ces hôtels, à l'angle du bâtis, nous donnant vue sur deux directions: deux grandes façades; à leurs pieds, au loin, tout en bas, coulent doucement le traffic pékinois. Voitures japonaises, américaines, quelques allemandes de luxe, Porsche et BayericheMotorWerke, de nombreux taxis volkswagen à bandeau bordeaux ou vert.

La chambre est impeccable, mais dans le style Chinois moderne: tout est neuf, tout est récent. Par style Chinois j'entends ces meubles au dessin totalement international, couleurs simples, bureau en verre, écran plat, lampadaires épurés, sièges en carbone, apparence impeccable, durée de vie limitée. Le confort moderne, le style contemporain. Rien, absolument rien de Chinois, donc, finalement. Dragon, lotus: nenni!


Au milieu de Pékin se trouve la cité interdite, résidence de l'empereur et sa cour. La ville est construite autour. Très loin autour. Cinq périphériques entourent successivement le rectangle déjà immense de l'enceinte impériale. Au Sud de la cité interdite, on trouve le temple du ciel. Grand parc où sont répartis plusieurs temple, une résidence secondaire impériale, des lieux consacrés à la musique ou la culture des fleurs. De nos jours on y trouve de vieux Chinois secouant leurs jambes et leurs bras sur différents appareils gymnastiques de plein air, les mêmes entonnant en choeur nombreux des chansons populaires, ou encore dansant, à toute heure, sous ces longues arcades qui mènent d'un temple à l'autre. Ils jouent aussi beaucoup, aux cartes, au Mahjong. Dans une ville immensément peuplée où les tours s'ajoutent au tour sur des dizaines de kilomètres; dans la capitale du pays le plus peuplé du monde, en son plein coeur, on trouve ce parc propre mais sans excès, où il n'est pas difficile de s'isoler,  de se perdre dans un bosquet, et d'écouter le vent jouer avec les cerfs-volants que l'on devine au loin, très loin, perdus dans les nuages.



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Nous nous promenons à pied dans les rues et les avenues de Pékin. On croise des chantiers, de grands carrefours, des trottoirs défoncés jonchés de vélos, de voiturettes à friture, de vendeurs de montres, de porte-clefs, cartes postales, marionnettes électriques, téléphones, gants, autres. Ouf! Derrière des murs parfois s'étalent des terrains vagues. En face, ce peuvent être de grands immeubles tout neufs, avec pour façade est un écran géant diffusant de la publicité en vingt. mètres sur trente; un chantier dans son squelette de bambous où scintillent à toute heure les lampes de soudeurs; un bâtiment officiel, massif et brillant, orné de drapeaux rouges étoilés, éventuellement ceint d'une banderole du même cru prônant en caractères quelque règle de la société harmonieuse.

 

On croise de petites échoppes, maisons d'un étage, large de trois ou quatre mètres, collées les une contre les autres le long du trottoir comme une file de mendiantes. Les portes sont ouvertes, il n'y a d'ailleurs pas vraiment de porte, plutôt un rideau métallique que l'on ouvre le matin et referme le soir. Toute la journée un vendeur ou une vendeuse attend le chaland, scrute la rue, joue, sur un ordinateur, discute, déjeune, accroupi au milieu de sa marchandise.

 

Certaines de ces boutiques sont des restaurants. On y déjeûne pour quelques yuans. On commande au hasard, obtient une sorte de soupe où flottent quelques légumes, des pattes, c'est un peu épicé, c'est bon. On aspire tout cela consciencieusement penché sur son bol, à l'aide d'une paire de baguettes et d'une cuillère à fond plat.


Plusieurs fois au cours de notre promenade, au détour d’une rue, sans la moindre indication sur son origine,  nous croisons une même odeur incroyablement âcre, comme si l’on faisait brûler de la graisse, âcre à donner des hauts le coeur. Il s'agit de ces boutiques où l'on frit du tofu, les Chinois en raffolent. A la nuit tombée, dans le quartier de Beihai, un quartier de Hu Tong autour d'une sorte de petit lac à la forme torturé, les rues s'illuminent et se remplissent de touristes, Occidentaux et Chinois. Ceux-ci vont dans les restaurants flambants neufs ou dans les bars bruyants et chers; ces autres se pressent dans le désordre le plus complet devant les boutiques de tofu, ou bien se rendent dans les karaoké bruyants et chers. Des pousse-pousse, sorte de tricycle à banquette arrière, fendent péniblement la foule, charriant leur couple de touristes béats.


Autre odeur, chimique celle-là, qui saisit l'arrière des sinus, quand on passe près des immeubles en chantier. Le chantier est omniprésent dans Pékin. Le passé n'existe pas en dehors de la cité interdite. La nuit, la ville révèle sa nature, féérique, incandescente. Tours, clignotements, phares de voitures sur les voies expresses, néons des bars et des restaurants, des hôtels. Pékin est moderne, veut être moderne, bâtit, courre vers son avenir mondial et puissant, fait de jeux olympiques, de records, de croissance économique, conglomérat, puissance, réserves de change et jeux olympiques.



Nous sommes arrivés un samedi. Aujourd'hui est un dimanche. Mais dorénavant ces mots n'auront plus de sens. Ce n'est sans doute pas Dieu qui a créé l'Empire du Milieu, et s'est arrêté le septième jour. Ici, Dieu travaille tous les jours. Et les Chinois aussi. Ce dimanche, dernier dimanche avant longtemps, nous irons courir autour du parc olympique. Sorti de terre, sculpés à coup de buldozer, deux collines et trois lacs bordés d'arbres tout neufs et parcourus de belles allées très propres. Les lampadaires diffusent de la musique classique tout au long de la promenade. Les Chinois marchent en famille, se prennent en photo, roulent en voitures à pédale, nous regarde.
Après un tour de parc nous terminons notre course par la descente de l'avenue olympique: cinq kilomètres sur quarante ou cinquante mètres de large. Il est onze heur du matin, les touristes Chinois ont déjà afflué en masse. On franchit des portails magnétiques pour marcher sur l'avenue, Pékin ne lésine pas sur la sécurité. Des militaires en uniforme vert à gants blancs et large casquette étoilée nous regardent passer. Les bizarreries de ces Laoawi, ces gens du dehors, ces barbares pleins de poil, les étrangers, ne semblent même plus les étonner. Nous avons des mollets velus qui intriguent plus d'un oeil bridé et font pouffer autour de nous.

Nous ne viendrons pas à bout de l'avenue, immense, au-dessus de laquelle flottent déjà quelques cerfs-volants. Le souffle est court, est-ce à cause du soleil déjà fort à cette latitude, ou de la pollution? Nous rentrerons en métro. 



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Lundi matin, Antoine repart, l'équipage en grand habit s'apprête à embarquer, je reste seul dans ce bout du monde écrit en Chinois. Etrange sentiment de quitter le hall de l'hôtel ma valise à la main, laissant derière moi tout rattachemet au monde connu. C'est le début de l'aventure.

 


Il est encore tôt, je remonte quelques rues vers la Cité interdite: c'est l'heure où l'on nettoie les trottoirs à grande eau et où l'on ouvre les boutiques. Je trouve un  hôtel, dans une petite rue toute proche de la cité.


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Depuis la fenêtre de ma chambre j'en vois les toits pointus perdus dans la brume, au-delà d'une mer de Hu-Tong. Ces petites maisons rassemblées autour de leur cour où se dresse parfois un arbre forment un labyrinthe silencieux où l'on ne suspecte pas une seconde le flot de touristes qui se pressent sans doute, à quelques centaines de mètres, vers l'immense enceinte. Dans le hall à la décoration un peu démodée de jeunes Chinois, garçons et filles, extrêmement serviables prennent les réservations, encaissent, fournissent toute sorte de renseignements. L'Anglais est la langue de communication principale. Le mien est pauvre; le leur est pire. On ne se comprend pas toujours mais un sourire aimable conclut tous les échanges.

 

 

 

 

Chaque nuit me coûtera une vingtaine d'euros. Il ne semble jamais nécessaire de trop s'inquiéter. Pas de réservation, je déciderai au jour le jour. Pour le moment, allons nous promener dans Beijing, la capitale du Nord, centre de l'Empire et résidence de la cour, autrefois tapie derrière ses portes et ses larges murailles, aujourd'hui siège du parti, cerclée d'autouroutes sans fin, de périphériques concentriques, hérissée de tours, d'antennes et d'écrans géants.


Le ciel est gris, le temps est humide et presque froid. Les vieux châteaux, les tours anciennes et toutes les vieilles pierres semées ici et là par l'Histoire ne nous laissent jamais indifférents. Elles nous influencent, nous attirent silencieusement dans leur champs, leurs forces presque magnétiques agissent dans l'obscurité et nous ramènent sans relâche au pied de ces murs aveugles où nous venons et revenons contempler le mystère du temps.

 

Ce matin, à quelques centaines de mètres, je le sais, s'étire dans la brume la muraille énorme de la Cité interdite, résidence des empereurs de Chine, milieu de l'Empire du Milieu, centre du monde et fierté de Pékin à travers les siècles. Elle est là, silencieuse, comme si elle nous attendait. Elle ne bouge pas, elle, traversant les siècles immobile sur son trône d'impératice, rayonnante au milieu de la marée urbaine à laquelle elle semble si indifférente, et elle aura bien le temps de nous attendre si nous venons pas cette foisci lui faire notre visite. Mais c'est nous qui allant et venant dans nos courtes vies incertaines sommes soudain les obligés de cette vieille dame, si vieille et qui pourtant nous verra mourir, et s'il est certain qu'elle sera toujours là la prochaine fois, qui sait quand nous repasserons auprès de ses larges portes? Les reverrai-je seulement jamais? Nous nous sommes déjà vus, elle et moi, il y a presque deux ans. Lors de notre première rencontre je n'étais qu'un touriste parmi plusieurs milliers, arpentant ses cours, ses portes, ses allées, ses jardins. Elle, majestueuse, s'offrait à nous, impériale, ouvrant ses portes de bois vermoulu, étalant au soleil ses tuiles luisantes, ses pavés innombrables, disjoints et sales. Aujourd'hui je suis revenu, je suis là, à quelques pas, et je la devine allanguie le long de ses douves, seules quelques unes des vieilles demeures qui l'accompagnent depuis bien des automnes et des hivers la protègent de ma vue, discrètes et fidèles, comme elle protègent au sein de leurs petites cours carrées les secrets Pékinois.

Elle n'aura pas changé, et vraiment je ne sais ce qui me pousse à retourner voir les mêmes murs, caresser les mêmes pierres. Pourtant mes pas me mènent d'eux-même, avant tout, maintenant que je suis seul, lui faire ma visite de courtoisie. Et je sais qu'elle m'attend.

 

Après quelques minutes où mon coeur s'impatiente, je la déouvre enfin, sans surprise. Sur ce même pont qui franchit la douve vers la porte de l'Est je suis venu il y a presque deux ans, un soir d'été. Il faisait sombre et doux, les amoureux par couple très discrets glissaient dans la pénombre.


Par ce matin froid d'hiver, un homme a jeté sa ligne, et guette le poisson dans l'eau trouble.

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Plus tard dans l'après-midi je gravirai la colline de charbon, ce terril qui domine la ville dans le dos de la cité. On dit qu'il est constitué des excavations nécessaires à la construction de la cité. Sur son sommet se dresse une pagode, sur ses flancs des jardins où de vieux Pékinois viennent dire de la poésie, jouer, chanter.

 

De cette altitude, voilà ce que l'on découvre, voici la reine de Pékin, la troublance impératrice de la Chine, confortablement installée au milieu des buildings comme si elle les avait royalement repoussés, déployant alentour les volants de sa robe raffinée.

 

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Rédigé par FangShuo

Publié dans #Voyages, #Chine, #Photos, #Villes

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J
décidément, je ne regrette pas de ne pas avoir commencé la lecture de ton blognal de voyage par le début, dont je me délecte aujourd'hui. ça me prépare très bien au prochain voyage que je vais<br /> faire en Chine. ç 'est ton père qui te le épète (chargé aussi de la voix de ta mère dont tu sais la passion de la lecture) : n' arrête pas d ' écrire (mon Titou), Mon Fils !
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