LA ROUTE DIFFICILE DES NOUVEAUX CHALLENGERS CHINOIS A L'INTERNATIONAL

Publié le 14 Septembre 2012

      Au moment où elles tentent de développer leur présence internationale, les plus grandes entreprises chinoises constatent à la fois un ralentissement de la croissance sur leur marché domestique et un renforcement de la concurrence de la part de leurs rivaux internationaux.

 

Au moins une cinquantaine d'entreprises chinoises sont récemment devenues de véritables acteurs globaux, selon une étude du Boston Consulting Group. Parmi elles, ont peut citer notamment Geely, qui a acquis Volvo Car en 2012, Lenovo, qui s'est emparé des activités de micro-informatique de IBM en 2005, Huawei, géant des télécommunications, et la banque ICBC (Industrial and Commercial Bank of China), qui est devenu le plus grand prêteur au monde en valeur de marché.

 

Ces entreprises se distinguent particulièrement par l'étendue de leur présence internationale, la diversification géographique de leurs profits, et leurs business models. Leurs chiffres d'affaires sont compris entre 180 m$ et 300 md$, et presque la moitié d'entre elles sont des compagnies privées, 26 demeurant des entreprises publiques. Enfin, 13 d'entre elles génèrent plus de la moitié de leur volume d'affaires hors de Chine.

 

Ces nouveaux géants ont connu une croissance annuelle moyenne de leur chiffre d'affaires de 20% par an entre 2001 et 2011, mais aujourd'hui leurs performances ont tendance à s'effriter. Depuis le premier trimestre 2011 en effet, on constate une baisse générale de leur rentabilité : la marge opérationnelle moyenne de ces entreprises tombait à 11% en moyenne en 2011 tandis que celles de leurs principaux compétiteurs mondiaux avoisinait les 18%.

 

 

La fin d'un âge d'or

 

"La période où les entreprises chinoises profitaient d'une "croissance facile" semble donc toucher à sa fin" affirme Christoph Nettesheim, director exécutif de Boston Greater China. "Elles ne peuvent plus se reposer sur les avantages dont elles ont profité historiquement, à savoir un immense marché intérieur, des coûts de production hyper-compétitifs, et un fort soutien de l'état chinois".

 

Plusieurs de ces avantages ont en effet tendance à disparaître : la croissance du PIB chinois ne devrait pas dépasser les 8% cette année, soit son plus bas niveau depuis 1991 ; le coût du travail en Chine augmente à grande vitesse ; et des carences managériales importantes, qui n'étaient pas un handicap sur leur marché intérieur, se font jour dans la compétition internationale.

 

L'exemple de l'augmentation du coût du travail est frappant : raison de l'augmentation rapide des minimums salariaux ces dernières années et des prix de l'énergie, l'avantage compétitif dont a joui la Chine pendant deux décennies reposant sur des coûts de production très bas est largement en train de disparaître. Les coûts de production en Chine devraient ainsi croître de 10% par an entre 2012 et 2016, soit environ cinq fois plus vite que dans les pays développés, et deux fois plus vite qu'au Vietnam et en Thaïlande.

 

 

Des lacunes récurrentes dans les processus d'acquisition et d'intégration post-transaction

 

Plus grave, le manque d'expérience des entreprises chinoises à l'international rend leur acquisitions à l'étranger souvent hasardeuses. Si de nombreuses entreprises chinoises sont devenues des acteurs réellement globaux grâce à des fusions et des acquisitions partout dans le monde, peu d'entre elles ont réellement acquis une maitrise des processus en jeu lors de telles opérations, telle l'intégration post-acquisition.

 

Les managers des grands acteurs mondiaux sont généralement au fait des schémas principaux de la préparation stratégique, de l'exécution d'un deal, et des processus d'intégration nécessaires à toute transaction. Mais pour beaucoup de managers Chinois, ces concepts restent étrangers, et on a vu une importante proportion de leurs acquisitions à l'étranger manquer leurs objectifs initiaux.

 

On peut identifier 3 causes principales à ces échecs :

  • Un déficit d'expérience dans les acquisitions à l'étranger face à des concurrents qui pratiquent la croissance externe depuis plusieurs décennies et sont rompus aux techniques d'évaluation, à d'exécution des deals et d'intégation;
  • Des différences culturelles : un évident problème de langue, l'Anglais n'étant pas le point fort des Chinois, et des pratiques managériales non adaptées aux standards internationaux (par exemple la promotion de managers chinois à la tête des sociétés nouvellement acquise, au détriment de l'équipe d'origine);
  • La difficulté des entreprises chinoises à construire des marques globales et à susciter la confiance de leurs partenaires étrangers, notamment en raison de leur manque de transparence.

 

De plus, les autres acteurs globaux ont commencé à réagir aux succès de leurs nouveaux concurrents chinois. L'acquisition par Ericsson d'une partie des activités de l'équipementier Nortel a ainsi permis d'empêcher l'arrivée d'un concurrent chinois sur le territoire nord-américain.

 

 

Une large palette d'axes de progrès

 

Devant ces difficultés croissantes, les entreprises chinoises disposent d'axes d'amélioration très importants pour améliorer leur compétitivité sur le marché mondial : elles doivent (i) accroître les compétences internes en fusion-acquisition, développer une approche "leave and learn" et (ii) recourir davantage aux partenaires locaux pour accompagner les transactions, (iii) améliorer leur compétitivité par l'innovation plutôt que par la baisse des coûts, (iv) augmenter la productivité, (v) développer des organisations réellement globales et mettre en place des politiques managériales adaptées.

 

On voit donc quel marché s'ouvre aux boutiques européennes de M&A : les entreprises chinoises qui souhaitent s'établir hors de Chine (et l'Europe est leur destination préférée) ont besoin de se reposer sur des partenaires locaux avec qui elles auront développé une relation de confiance, et qui sauront les guider tant dans l'exécution des acquisitions, que dans la compréhension de l'environnement local, des pratiques managériales, du contexte social, etc.

 

Les boutiques européennes qui veulent capter la puissance financière de ces nouveaux challengers chinois doivent intégrer ces besoins spécifiques des clients de l'Empire du milieu, les rassurer, et les accompagner tout au long de leur démarche d'internationalisation par une large approche stratégique.

 

Rédigé par FangShuo

Publié dans #Economie, #Chine, #Développement, #M&A

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